Les lauréats du « Prix de Genève » pour les Droits de l’Homme en Psychiatrie,
en 2000, 2002, 2005, 2008, 2011, 2014, 2017 et 2021

Le Prix de Genève pour les Droits de l’Homme en Psychiatrie a été créé en 1999 à Genève (Suisse), à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Ce prix vise à récompenser toute personne, sans distinction de sexe, d’âge, ou de nationalité, ou toute institution gouvernementale ou non gouvernementale qui s’est distinguée par une œuvre d’envergure nationale ou internationale valorisant l’équité, l’humanité ou l’excellence dans les soins psychiatriques, réduisant la méconnaissance et la discrimination entourant les maladies psychiques et promouvant l’application des droits de l’homme et l’éthique en psychiatrie.

Année 2000

Le Prix a été décerné par un jury international présidé par M. Robert Badinter, ancien ministre français de la Justice, à l’organisation « Geneva Initiative on Psychiatry », basée en Hollande. Le Dr. Jim Birley, ancien président, a reçu le prix.

Membres du Conseil de la Geneva Initiative on Psychiatry : Pr. Robin Jacoby, Président, Dr Robert van Voren , secrétaire général, Dr Roelof ten Doesschate, trésorier.

Vidéo de Robert van Voren
Le jury a choisi de récompenser « Geneva Initiative on Psychiatry », non seulement pour son combat, dans les années 80 contre les abus politiques de la psychiatrie en Union Soviétique et dans quelques autres pays, mais aussi et surtout pour son travail remarquable de soutien aux malades mentaux et aux anciennes victimes des abus psychiatriques, ainsi que pour son initiative d’avant garde de lancer et coordonner le réseau des Réformateurs en Psychiatrie créé pour améliorer les standards de soins aux malades mentaux dans les pays d’Europe centrale et de l’Est ainsi que dans les états composant précédemment l’Union soviétique.

Année 2002

Le jury, présidé par le Professeur Pierre-François Unger, Ministre de la Santé du Canton de Genève (Suisse), recommanda de partager le prix entre les Sœurs Hospitalières de la Congrégation du Sacré Cœur de Jésus et le Professeur Roy M. McClelland, de Belfast (Irlande du Nord).

Les Sœurs Hospitalières de la Congrégation du Sacré Cœur de Jésus ont créé des institutions sur tous les continents, mais spécialement en Amérique latine et en Afrique, pour prendre soin des femmes qu’elles reçoivent, écoutent, soignent et dont elles assurent le suivi dans des centres de jour ou des ateliers protégés.

Le deuxième lauréat, le Professeur Roy M. McClelland a joué un rôle clé pour la production, en collaboration avec des collègues européens, de lignes directrices relatives à la confidentialité et au conflit entre les intérêts du public et ceux des patients.

Le prix a été remis aux lauréats à Genève le 1er avril 2003 au cours d’un congrès international organisé par l’Association Internationale de Psychogériatrie.

Année 2005

Un jury, présidé par Madame Ruth Dreifuss, ancienne Présidente de la Confédération helvétique, a décidé de décerner le prix au Dr Jorge Luis Pellegrini, d’Argentine.
Ce dernier a, tout au long de sa vie, défendu les droits de l’homme en psychiatrie et a lui-même été victime de la violation de ces droits par la dictature militaire argentine. Le Dr Jorge Luis Pellegrini s’est engagé dès l’achèvement de sa formation médicale dans la promotion de la psychiatrie sociale et dans la réforme des institutions psychiatriques traditionnelles. Ses activités en faveur de l’intégration scolaire des enfants handicapés, de l’intégration sociale des populations indigènes de Patagonie, du traitement et de la réadaptation des personnes ayant des problèmes de dépendance à l’alcool, du développement des traitements ambulatoires et de la réinsertion sociale des personnes souffrant de troubles mentaux témoignent d’une trajectoire professionnelle cohérente et novatrice. L’idée maîtresse de son engagement est l’autonomie (empowerment) des patients et de leurs proches, ainsi que la lutte contre toute discrimination et des programmes de formation et d’information du public. Au cours de la dictature militaire, il fut chassé de l’Université puis de l’hôpital, avant d’être arrêté, incarcéré, libéré puis à nouveau emprisonné. Pendant ces années de persécution politique, il poursuivit son engagement social et écrivit aussi un livre sur une famille d’Indiens Mapuche, qui fit par la suite l’objet d’un film attirant l’attention sur les besoins de la population indienne en Argentine.

Le prix a été remis au Dr Pellegrini à l’occasion du XIII Congrès mondial de Psychiatrie au Caire, Egypte, en septembre 2005.

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Mentions spéciales 2005

Le jury a estimé que trois autres programmes, chacun fonctionnant dans un environnement culturel et institutionnel différent, méritaient d’être distingués à cause de leur engagement exceptionnel pour la reconnaissance des droits fondamentaux des patients souffrant de troubles psychiatriques. Chacun de ces programmes contribue à sensibiliser l’opinion publique aux possibilités et aux besoins des malades mentaux. Ces programmes sont les suivants :

En Albanie, le Programme Marcela, conçu et mené par l’ASED (Association pour le Soutien de l’Enfance en Détresse) de Genève fondée par Jean-Luc et Maryam Nicollier, combine la formation, la création d’infrastructures de vie, de travail et de transport, l’information du public et des réformes législatives pour assurer les soins et l’intégration sociale des enfants handicapés mentaux. Face au lourd héritage d’un système quasi-carcéral et aux difficultés économiques et politiques d’une société en transition, le Programme Marcela mobilise les ressources et les volontés de personnes dédiées au  » soutien des enfants en détresse  » tant en Albanie qu’en Suisse.

En Côte-d’Ivoire, l’Association St. Camille de Lellis créée à Bouaké par Grégoire Ahongbonon, aide les personnes exclues de la société, parmi lesquelles de nombreuses personnes souffrant d’arriération mentale ou de troubles mentaux. L’engagement exceptionnel de Grégoire Ahongbonon se joue dans les villages et les familles, où des personnes considérées comme incurables – ou possédées par le démon – sont enchaînées et privées de soins. L’accès aux soins et la réintégration sociale et économique sont soutenus par un effort constant de sensibilisation des communautés et des autorités à la situation et aux besoins de ces exclus de la société.

En Inde, dans l’Etat du Tamil Nadu (Chennai), la Schizophrenia Research Foundation (SCARF) réunit des psychiatres, des psychologues, des travailleuses et travailleurs sociaux, des spécialistes de la réadaptation professionnelle et des infirmières et infirmiers qui offrent des services ambulatoires et hospitaliers aux patients souffrant de schizophrénie. Cette organisation non-gouvernementale rassemble et aide également les familles des malades et les membres de la communauté dans leur lutte contre la stigmatisation et la discrimination des malades mentaux.

Année 2008

Cette année là, le Prix a été attribué au Dr Semyon Gluzman, de Kiev, Ukraine. Le Dr Gluzman a été choisi à l’unanimité par un jury indépendant présidé par Madame Ruth Dreifuss, ancienne Conseillère fédérale et présidente de la Confédération
Le prix a été remis au lauréat à Prague le 25 septembre 2008 au cours du XIVème Congrès mondial de psychiatrie.

L’engagement du Dr Gluzman en faveur des droits de l’homme en psychiatrie se distingue par une constance et un courage exceptionnels. Il s’est manifesté à la fois dans le domaine politique et sur le terrain professionnel, médical et scientifique. Son refus de participer à l’utilisation de la psychiatrie à l’encontre des dissidents politiques, ainsi que sa dénonciation des abus lui valurent d’être lui-même condamné à sept ans de camp de travail et à trois ans d’exil. Dès son retour en Ukraine, le Dr Gluzman poursuivit son activité médicale, scientifique et sociale, œuvrant à la réforme des traitements psychiatriques et à la reconnaissance des principes éthiques qui doivent les inspirer. Il contribua à modifier la législation ukrainienne en la matière. Son livre « On Soviet Totalitarian Psychiatry », publié en 1989, reste un ouvrage de référence sur les abus de la psychiatrie.

Année 2011

Un jury international présidé par Madame Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération a décerné le Prix au Dr Naasson Munyandamutsa, d’origine rwandaise.

Le Dr Munyandamutsa a développé une activité considérable dans son pays pour aider les victimes du génocide de 1994 à en surmonter les conséquences dans le domaine psychique. Le jury a été convaincu par l’engagement et l’ampleur des actions du Dr Munyandamutsa sur le terrain. Sa trajectoire personnelle est considérée comme « exceptionnelle », dans un continent africain souvent déserté par la psychiatrie. Le mérite lui est reconnu de « placer la psychiatrie au centre d’une politique de la santé publique », a encore souligné Mme Dreifuss.

Le Dr Munyandamutsa a remis en fonction l’unique hôpital psychiatrique de son pays. Il a largement contribué à la reconstitution du réseau de santé mentale rwandais, sévèrement décimé par le massacre. Il a par ailleurs assuré une participation déterminante au projet développé par Médecins du Monde depuis 2006 avec l’association rwandaise IBUKA, dont les membres sont eux-mêmes, pour la plupart, des rescapés du génocide.

Le Dr Munyandamutsa est l’auteur d’un récit poignant de son travail de pionnier (La question du sens et de repères dans le traumatisme psychique. Réflexions autour de l’observation clinique d’enfants et d’adolescents survivants du génocide rwandais de 1994). Il a participé à plusieurs publications sur le sujet et notamment contribué à l’ouvrage collectif Le Génocide des Tutsis du Rwanda : Une abjection pour l’Humanité, un échec pour les humanitaires.

Le Dr Munyandamutsa a des liens avec la Suisse puisqu’après l’obtention de son diplôme de médecin à l’université de Butare (Rwanda), il a suivi une spécialisation en psychiatrie et psychothérapie à la clinique universitaire de Genève ainsi qu’à l’hôpital psychiatrique de Malévoz, en Valais.

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Le prix a été remis au Dr Munyandamutsa lors du 15ème congrès de l’Association mondiale de psychiatrie à Buenos-Aires, le 21 septembre 2011.

Année 2014

Le Prix de Genève 2014 pour les Droits de l’Homme en Psychiatrie est décerné au Professeur cambodgien Ka Sunbaunat. Le lauréat a fondé en 1992 le département de psychiatrie de l’Université des Sciences de la santé de Phnom Penh, département qu’il a dirigé jusqu’en 2013. Le Cambodge lui doit le développement des structures de traitement de maladies mentales de divers hôpitaux et centres de soins.

Ka Sunbaunat compte parmi les victimes de la politique génocidaire des Khmers rouges pendant les années 1975-1979. Il fut astreint à un travail physique d’une grande dureté au cours de cette période, dont il lui reste d’importantes séquelles. Il choisit néanmoins de rester au Cambodge, dont il fut le premier médecin spécialisé en psychiatrie. Il est aujourd’hui tenu pour le père de la psychiatrie cambodgienne et par son action auprès des malades pour «un symbole vivant de résilience ».

Le Professeur Ka Sunbaunat considère que le travail en faveur de la santé mentale, dans un contexte où il s’agit d’aider les patients à surmonter des traumatismes et des injustices, est une manière de se battre contre les violations des Droits de l’Homme. Il ne cessa d’approfondir sa connaissance des liens entre santé mentale et droits de l’homme, par ses activités d’enseignant, par ses publications et par ses interventions dans les médias. Il a ainsi contribué à faire diminuer dans son pays la stigmatisation ordinairement attachée à la maladie mentale.

Le Professeur Ka Sunbaunat se distingue aussi par son attachement aux valeurs du bouddhisme, dont les concepts sont constitutifs à ses yeux d’un paradigme central dans les soins des maladies mentales.

Le prix a été remis au Professeur Ka Sunbaunat lors du 16ème congrès de l’Association mondiale de psychiatrie à Madrid, en septembre 2014.

Mention Spéciale 2014

Le Jury a décidé d’attribuer une Mention Spéciale à M. Joseph Atukunda (Ouganda), pour avoir créé le programme « Heartsounds Uganda ». Ce programme soutient des groupes de pairs de patients souffrant de troubles mentaux et de graves difficultés psychosociales. Le Jury a été impressionné par l’engagement de M. Atukunda en faveur de la défense des droits des patients psychiatriques, dans un contexte personnel et environnemental exceptionnel.

Année 2017
Le Prix a été décerné à une organisation non gouvernementale luttant pour les droits des malades mentaux au Guatemala, ALAS Pro Salud Mental.

Fondée en 2013 par le Dr. Alejandro Paiz Macz, cette organisation a repris un projet en faveur de la santé mentale dans la région de Solola. Elle est actuellement la seule ONG du Guatemala s’employant à favoriser l’accès aux soins psychiatriques au sein de la population rurale indigène.


Dr. Alejandro Paiz Macz – spanish video – english video – tzutujil video

Le jury du Prix de Genève l’a retenue parmi quinze candidatures, individuelles ou institutionnelles. Son président Luc Ciompi, Professeur émérite de psychiatrie sociale de l’Université de Berne, relève que cette organisation travaille dans une région du monde particulièrement défavorisée, où règnent la pauvreté et la violence, ravagée par une longue guerre civile et par des catastrophes naturelles (ouragans). De plus, une forte discrimination frappe les populations indigènes. Le jury a considéré le travail courageux et même dangereux de Alas Pro Salud Mental comme particulièrement méritoire.

L’organisation lutte depuis plusieurs années, de manière systématique, intense et efficace pour les droits de l’homme et contre la stigmatisation et la discrimination des malades mentaux, répondant ainsi à l’objectif spécifique du Prix de Genève. Elle déploie son activité sur divers plans: campagnes médiatiques, articles et conférences, action pratique. Elle agit non seulement dans les agglomérations, mais aussi dans les campagnes, parmi des populations indigènes particulièrement mal soignées.

L’action pratique de l’ONG est considérée comme très compréhensive et centrée sur la personne (« holistique », psycho-socio-biologique). Elle se focalise sur la réinsertion et la réadaptation sociales. Elle connaît plusieurs formes : traitement ambulatoire, soins à domicile, par unités familiales et groupes d’auto-assistance, microcrédits, qui permettent de viser des résultats tangibles.

Le Prix de Genève pour les Droits de l’Homme en psychiatrie a été créé en 1999 à Genève, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Il a été remis pour la première fois en septembre 2000, sous la présidence de Robert Badinter. Il est décerné cette année pour la septième fois.

Le Conseil de Fondation du Prix de Genève pour les Droits de l’Homme en psychiatrie est présidé par le Professeur honoraire François Ferrero, de l’Université de Genève. Le jury du Prix 2017 a réuni plusieurs personnalités reconnues sur le plan international : Marianne Kastrup, de Copenhague, Elisabeth Decrey-Warner, présidente de l’Appel de Genève, Dinesh Bhugra, président de l’Association mondiale de psychiatrie, Pierre Vallon, président de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie (SSPP), Robert Roth, professeur de droit pénal à l’Université de Genève et Olivier Vodoz, avocat et ancien conseiller d’Etat de Genève.


Année 2021

Le prix est décerné à M. Grégoire Ahongbonon.
M. Ahongbonon, né au Bénin en 1952, est le fondateur de l’Association Saint Camille-de-Lellis qui a développé un réseau de soins psychiatriques en Afrique de l’Ouest. À la suite de la faillite de sa petite entreprise de réparation de pneus il a lui-même souffert de dépression. Une fois remis, avec le soutien de sa femme, il a commencé par venir en aide aux personnes atteintes de troubles psychiques qui erraient dans les rues. Par la suite, il a négocié avec les familles et les anciens des villages afin de soigner les malades qui étaient encore parfois enchaînés aux arbres. Depuis plus de trente ans, il n’a cessé de lutter contre les préjugés et la stigmatisation entourant la maladie mentale et pour faire accepter par le grand public l’idée que l’on peut soigner les personnes souffrant de troubles mentaux sans les attacher ni leur faire subir d’atrocités. Peu à peu, l’Association Saint-Camille-de-Lellis s’est développée, grâce au soutien de communautés missionnaires, d’organisations philanthropiques et d’ONG au point qu’elle est devenue un réseau international. Il est parvenu à transformer le système de santé mentale au Togo, au Bénin et en Côte d’Ivoire en développant une prise en soins incluant traitement, logement, nourriture, travail ou formation. De nombreux usagers qui se sont rétablis se sont engagés dans l’Association en tant que pairs-aidants.

M. Grégoire Ahongbonon   Remise du Prix de Genève

Ce système de soins respectueux de la dignité humaine et des exigences de l’Organisation Mondiale de la Santé a fait ses preuves tant sur le plan économique que de son adaptation à son environnement. Ce qui semble vraiment extraordinaire est le fait que Grégoire Ahongbonon, qui n’a aucune formation médicale ou psychiatrique, est parvenu à développer un système de soins incroyablement efficace, en s’appuyant sur ses propres observations et sur sa profonde humanité. Il ne supportait pas de voir maltraitées les personnes atteintes de troubles mentaux. La vocation de Grégoire Ahongbonon a été si puissante qu’il est parvenu, avec l’aide constante de sa femme, à bousculer les préjugés et à supprimer d’anciennes pratiques concernant les malades mentaux.

Vous pouvez voir une petite vidéo (14 min.) racontant cette démarche, en cliquant ici.

Le Jury a estimé qu’il remplissait tous les critères du Prix, au vu de la qualité et de la durée de son engagement, comme des résultats obtenus en faveur des personnes souffrant de troubles mentaux et de la défense de leurs droits humains. Le jury a également tenu à décerner une mention spéciale à sa femme.

Le Prix 2021 a été rendu possible grâce au soutien de la République et Canton de Genève et de la Fédération Suisse des Médecins Psychiatres et Psychothérapeutes.


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